Europa w Rodzinie
Ziemiaństwo polskie w XX wieku

Biographies

Karol Hilary Tarnowski (1889–1981)

Instigateur de l’action « Culture » (Uprawa ), propriétaire du domaine de Chorzelów situé dans le district de Mielec, dans la voïvodie de Cracovie. À partir de 1936, il remplit la fonction de président de l’Association de propriétaires terriens de Petite Pologne, organisa de l’aide pour les expropriés des terres annexées au Reich, et à partir de 1940, s’engagea dans l’organisation de l’Association clandestine de propriétaires terriens, aux cryptonymes « Culture »/ « Bouclier » / « Assistance » (Uprawa/ Tarcza / Opieka). Militant social et résistant, il vécut à Zakopane, Tyniec et Cracovie après la guerre, et occupa plusieurs postes faiblement rémunérés dans des coopératives ainsi qu’au bureau municipal de la conservation des monuments de Cracovie. Sa femme Janina Wanda, née Pawlikowska, Woźniakowska de son premier mariage, épouse Tarnowski en secondes noces (1895–1972).

Karol Hilary Tarnowski
Fig. 1. Karol Hilary Tarnowski

« Soirée de l’Épiphanie… Du feu dans la cheminée, des silhouettes écoutant attentivement l’écho des années anciennes, dans le conte, certaines effroyables, d’autres magnifiques. Le craquement du plancher. — Est-ce un fantôme !? ou peut-être un lutin dans son chapeau rouge à clochette attiré par Chopin ou Schubert, ou encore par une « vrai » valse viennoise ? Ainsi, la soirée fut charmante. [J.B. Reyowa, Cesia, Anna]

« Le 18 septembre 1939 Chassé par le sort ennemi de la guerre, j’ai profité de l’hospitalité d’une maison sans maîtres, rentrant sans lauriers, comme en 1863, de la « forêt » au foyer. » [K. Radziwiłł, [dans:] Anno Domini…Księga gości Chorzelowa, Jerzy Skrzypczak (réd.), 2000]

« Le 10 octobre 1939 Pour l’hospitalité sincère qui nous a été accordée à nous, de retour de l’errance, nous exprimons notre reconnaissance et nos remerciements. Maria Czeczowa, Izabella Czeczówna, Maria Czeczówna, Karol Czecz, Jan Czecz » [H. Mańkowska, [dans:] Anno Domini…Księga gości Chorzelowa]

« Le 19 septembre 1942 Juillet, août, septembre, mon séjour de cette année à Chorzelów s’est allongé. Engraissé, je rentre à Varsovie, mais quelle vergogne ! Je n’ai même pas fait toutes les étiquettes avec les inscriptions de la généalogie! J’ai honte de cette fainéantise et je remercie de tout mon coeur pour l’hospitalité. ». [W. Dworzaczek, [dans:] Anno Domini…Księga gości Chorzelowa]

« Le 24 novembre 1942 Pour ces précieux instants de souffle, de culture polonaise véritable parmi les orageuses et pénibles épreuves, que Dieu vous le rende sincèrement. » [A. Klimonda, [dans:] Anno Domini…Księga gości Chorzelowa]

« Le 24 décembre 1942 À Chorzelów […] il ne reste plus que des vieux s’efforçant que cette veillée de Noël, en dépit de tous les soucis et tristesses […] soit le plus digne prélude à la fête joyeuse célébrée demain. Après le repas de Noël, les domestiques arrivèrent dans le salon et nous nous mîmes à chanter autour du sapin humblement décoré. […] Il y eut aussi de petits cadeaux pour chacun des invités et un instant de sérénité s’empara de nous. » [J. Tarnowski, [dans:] Anno Domini…Księga gości Chorzelowa]

« Le 31 mars 1944 Je pars avec d’extrêmes regrets et une profonde tristesse. Ce séjour à Chorzelów est l’un des souvenirs les plus doux de mon errance de guerre. Je remercie vraiment sincèrement pour tout ce que j’y ai reçu. Personne ne peut imaginer à quel point j’étais bien ici. Encore une fois merci pour tout. » [Anno Domini…Księga gości Chorzelowa]

« 1er avril 1943 — 16 juin 1944 Lorsque je prends congé de Chorzelów, le souvenir des vieilles années s’anime dans ma mémoire. Les années de notre jeunesse, du bonheur et des tristesses éprouvés ensemble. […] Maintenant, après une année passée dans votre maison familiale, il me serait pénible de la quitter, sachant que cette séparation puisse s’étirer dans le temps. […] je me sentais parmi vous comme parmi mes proches […] » [A. Zoffal, [dans:] Anno Domini…Księga gości Chorzelowa, oprac. Jerzy Skrzypczak, 2000]

« 14 juin 1940 – 15 septembre 1945 Il y a déjà cinq ans, nous avons profité, nous pauvres vagabonds, expropriés des territoires de Poznań, de l’hospitalité sincère de Chorzelów, de la sincère et bienveillante amitié de nos hôtes et de leur famille. Aussi, aujourd’hui, alors que rentrant à Poznań, nous faisons nos adieux à Chorzelów, nos coeurs sont comblés d’un sentiment profond de sincère dévouement, de reconnaissance, et de la chaleureuse prière que le Seigneur Tout-Puissant veuille bien vous récompenser pour votre sincère bonté. » [W. i A. Wolscy, [dans:] Anno Domini…Księga gości Chorzelowa]

« Je passai ma dernière nuit dans le manoir de Chorzelów, lorsque l’armée soviétique s’approchait de la Vistule. Le silence et le calme régnaient, la maison était presque vide. […] À l’intérieur du manoir, tout était à sa place, les meubles, les livres, les bibelots sur les tables et les commodes. Avec le coeur serré, je partis avec le dernier train militaire allemand, dans l’intention de rejoindre la famille réfugiée déjà plusieurs mois auparavant à Zakopane. Je ne pensais pas que ce jour là, je ferais pour la dernière fois mes adieux au foyer familial, que bientôt, ce manoir serait incendié par l’armée soviétique, que l’intégralité du domaine serait confisqué par le Comité de Libération de Lublin, créé sur les décombres de la Pologne et patronné par la Russie soviétique. » [K.H. Tarnowski w 1970 r., [dans:] Anno Domini…Księga gości Chorzelowa]

Jacek Woźniakowski (1920–2012)

Prit activement part à la campagne de septembre en tant que soldat, et pendant sa fuite vers la Hongrie, fut blessé grièvement. Une fois rétabli, il se rendit dans la zone du Gouvernement Général et arriva dans la maison de sa mère à Chorzelów. Soldat de l’Armée de l’Intérieur (AK), adjudant du commandant du district de l’Armée de l’Intérieur de Mielec et membre de l’organisation clandestine de propriétaires terriens « Culture » / « Bouclier » / « Assistance » (Uprawa / Tarcza / Opieka), il habita pendant l’occupation chez son beau-père à Chorzelów ainsi que chez sa grand-mère à Zakopane. Après la fin de la guerre, il termina ses études, fut journaliste à l’hebdomadaire « Tygodnik Powszechny », rédacteur en chef des éditions Znak, chargé de cours à l’Université catholique de Lublin (KUL), à l’Université le Mirail à Toulouse et à Jérusalem. Auteur, publiciste et traducteur, il fut le premier président de Cracovie en 1989.

Leon Krzeczunowicz (1901–1945)
pseudonyme « Express », « Roland »

Leon Krzeczunowicz
Fig. 2. Leon Krzeczunowicz

Propriétaire de Jaryczów près de Lvov. En 1918, il participa à la lutte pour Lvov, fut soldat du 8e régiment des Uhlans et blessé pendant la guerre polono-bolchévique. Après la Ie Guerre mondiale, il s’occupa du domaine, précisément de l’élevage de chevaux et remporta des victoires dans des concours hippiques prestigieux. Il s’engagea socialement en tant que maire du village de Jaryczów et comme vice-président de l’Association des propriétaires terriens des voïvodies orientales de Petite Pologne. En 1931, il épousa Wanda Czaykowska, excellente amazone. Ils eurent une fille, Ilona (1934) et un garçon Kornel (1944). Après l’incursion de l’armée soviétique, il séjourna quelques temps à Lvov où il entama son activité dans la résistance. Menacé d’arrestation, il gagna la province du Gouvernement Général avec sa famille et il s’engagea dans l’Union pour la lutte armée. Dans ce cadre, en 1940, il dirigea l’organisation « Culture » au sud et à l’est du territoire du Gouvernement Général. Officiellemment, il travaillait comme administrateur des biens de Stanisław Rey à Sieciechowice (ancien district de Miechów).

« [Leon Krzeczunowicz], homme aux grandes valeurs, talentueux, entreprenant, immensément courageux, possédant des aptitudes au commandement rarement atteintes à ce niveau. […] ne s’épargnant aucun mal et risquant constamment sa vie, il se rendait personnellement dans la plupart des points « Bouclier » locaux et était constamment en contact avec le commandant de la Région. Une fois par mois, il rencontrait les dix délégués de « Bouclier » avec les rapports et l’argent des différents districts. […] Ses excursions incessantes au niveau local et à Cracovie étaient très risquées, mais le commandant de la Région, conscient de ses compétences, avait constamment besoin de ses conseils. On lui donnait toujours de nouvelles missions à accomplir sachant combien il était énergique et dynamique. » [Wacław Skarbek-Borowski, « Le bouclier de Roland », Tarcza Rolanda]

La gestapo arrêta Krzeczunowicz le 1er août 1944, il subit de violents interrogatoires et malgré la torture, ne se rendit jamais. En décembre 1944, il arriva au camp de concentration de Gross-Rosen, puis à celui de Dora-Mittelbau où il fut exécuté le 19.03.1945 selon les estimations. Après sa mort, il fut décoré de l’ordre militaire Virtuti Militari de cinquième classe.

« [Leon Krzeczunowicz] était un quêteur de charme et il récoltait de grosses sommes pour l’Armée de l’Intérieur (AK) sans peine, connaissant très bien les gens […] Sa maison, bien que remplie d’individus mystérieux se dissimulant devant la gestapo, résonnait d’un constant brouhaha de voix et de rires. […] En septembre [1943], le commandant de la région me confia la mission d’inspecter le district de Miechów […] Leon… me proposa aussitôt de profiter de la liaison de « Bouclier » et de ses moyens de transport. […] Passant de mains en mains, nouant des contacts avec les arrondissements par le bais des manoirs, j’effectuai ma tâche consciencieusement, convaincu que les relations de « Roland » étaient impressionantes et qu’elles parvenaient partout. » [Jerzy Lambl, « Le bouclier de Roland », Tarcza Rolanda]

Roman Lasocki (1893–1964), pseudonyme « Prezes »

Roman Lasocki
Fig. 3. Roman Lasocki

Diplômé de l’École supérieur d’agriculture de Varsovie, volontaire pendant la guerre polono-bolchévique, éminent propriétaire, président de l’Association des propriétaires terriens du district de Łomża (1921–1939) et secrétaire général de la Fédération des propriétaires terriens. En 1939, forcé de quitter Dzierzbia occupée par les soviétiques, il vécut avec sa famille à Varsovie, où il devint directeur de l’Association de crédit des propriétaires terriens. En 1940, il prit la direction de l’organisation clandestine de propriétaires terriens au cryptonyme « Culture » / « Bouclier », qui participa à l’insurection de Varsovie. Il maintenait un contact direct avec le Commandement Général du ZWZ-AK (Union pour la lutte armée — Armée de l’Intérieur), participant à l’élaboration des missions de l’organisation « Culture » et transmettant les rapports de son activité ainsi que de ses comptes financiers. Il lutta pendant l’insurection de Varsovie comme infirmier. Après la guerre, il fut contraint par les autorités de procéder à la liquidation de l’Association de crédit de propriétaires terriens. Il travailla ensuite au service des travaux publics municipaux. Jusqu’au bout, il garda secret son rôle dans l’organisation « Culture ». Il détruisit les archives de l’organisation conservées dans son appartement alors qu’il était menacé d’arrestation par les Services de renseignement (UB).

« Le type d’impôt fut établi. Les cotisations incombant à chaque bâtiment agro-industriel furent fixées par le délégué régional de l’organisation « Culture » et les représentants de « Culture » dans les inspections, autrement dit, en moyenne 6 à 10 personnes pour une région de l’Armée de l’Intérieur. » [W.H. Bniński]

« Le logement des personnes mises au repos et la dissimulation des membres de l’Armée de l’Intérieur menacés se tranforma finalement en accueil de fugitifs et de naufragés du soulèvement de Varsovie. Les manoirs, qui habituellement comptaient 10–15 habitants (sans les domestiques), offraient un abri gratuit et de la nourriture pour 30 personnes au moins au tournant des années 1944 et 1945; bien sûr, on parle ici de petits manoirs, pour lesquels cette charge était au dessus de leurs forces. L’aide fournie aux détachements de résistants était réellement importante et son rôle inestimable ; elle était constante et très bien organisée. […] seule l’assistance de « Bouclier » les préserva de la faim, de la démoralisation et du pillage. Il est évident que la résistance ne peut exister durablement sans le soutien de la population locale. Les Allemands le savaient bien et lorsqu’ils trouvaient un détachement de résistants, ils éxécutaient les habitants du voisinage et réduisaient en cendres des villages entiers. […] Malgré ces cruautés, les membres de « Bouclier » continuaient à aider les résistants […] « Bouclier » rendit de nombreux services aux inspecteurs locaux […] aux chefs d’arrondissements et de différents postes en leur dénichant un travail ou un logement, ou enfin en les transportant sur le terrain avec leurs véhicules personnels […] les femmes des propriétaires terriens préparaient des stations pour panser les blessés […] et même des petits hôpitaux de quelques lits. » [T. Bór-Komorowski à propos de l’action « Bouclier » [dans:] « Le bouclier de Roland », Tarcza Rolanda ]

Le fils de Roman, Krzysztof Lasocki, était aussi un soldat de l’Armée de l’Intérieur (ZWZ-AK) et insurgé de Varsovie.

Après le déclenchement de la IIe Guerre mondiale, le manoir des Lasocki ainsi que les dépendances agricoles et industrielles qui l’entouraient se trouvèrent sous l’occupation soviétique. Les propriétaires eurent le temps de s’enfuir, mais leur domaine fut pillé et saccagé. L’armée soviétique organisa dans le manoir un stock de munitions. Après le déclenchement de la guerre germano-soviétique en juin 1941, les soviétiques firent sauter le manoir, puis l’incendièrent avec le reste des bâtiments. Les Allemands essayèrent de reconstruire en partie la ferme et de mettre en oeuvre la production agricole. Après une période d’errance dans les manoirs alliés, la famille Lasocki habita à Varsovie. Le 13 février 1945, le domaine de Dzierzbia fut parcellisé par les autorités communistes polonaises. On créa une exploitation agricole d’État sur une partie des sols. Actuellement, le seul vestige du manoir sont les escaliers côté jardin. Parmi les bâtiments de l’exploitation, seules les écuries ont été préservées.

« Nous nous rendîmes [en 1940, avec la proposition de lui attribuer la direction de l’Association de propriétaires terriens au cryptonyme « Culture » / « Bouclier »] chez Roman Lasocki, membre de la direction de l’Association de propriétaires terriens, qui habitait toujours à Varsovie. Roman Lasocki accepta cette proposition et remplit cette fonction jusqu’à la fin le plus consciencieusement possible. Il était en liaison constante avec le haut commandement de l’Armée de l’Intérieur et tous les rapports ainsi que les sommes d’argent récoltées sur le terrain passaient par ses mains. » [« Souvenirs de Karol Tarnowski », Wspomnienia Karola Tarnowskiego]

Stanisław Rostworowski (1888–1944)
pseudonyme « Lubieniec », « Odra »

Stanisław Rostworowski
Fig. 4. Stanisław Rostworowski

Docteur en chimie à l’Université de Fribourg, docteur en philosophie à l’Université Jagellonne, assistant dans les Universités de Göttingen et de Cracovie, militant de la commission des partis indépendants et confédérés, en 1914, volontaire de la IIe Brigade des légions de Puławski (uhlan du 2e escadron), il participa à la charge de cavalerie à Rokitna, à la guerre polono-bolchévique, puis, fit partie du 15e régiment de Uhlans et de la 14e division d’infanterie. En 1923, il termina ses études à L’École des forces armées de la IIe République. Pendant l’attentat de mai, il combattit du côté du gouvernement et du président Wojciechowski. En 1935, retraité au grade de colonel diplômé, il s’occupa de l’exploitation du domaine de Gębice. Il s’engagea dans les organisations sociales et économiques. Mobilisé en août 1939, il participa à la défense de Varsovie. Après la capitulation, il se rendit en France et se présenta à l’état-major du commandant en chef. À partir de 1939, il dirigea les détachements clandestins de liaison avec la Pologne à Bucarest, Istanbul et Budapest. Il se rendit à Varsovie, au commandement de la zone du sud-ouest de l’Armée de l’Intérieur (région de Cracovie et de Silésie), il travailla avec l’organisation « Culture ». En juillet 1944, il prit le commandement de l’Armée de l’Intérieur de la région de Cracovie. Il fut arrêté le 11 août 1944 et probablement le jour même, torturé à mort pendant les interrogatoires au siège de la gestapo, rue Pomorska.

« […] J’eus la possibilité de faire plus ample connaissance avec le général Rostworowski. Je dois dire qu’il donnait l’impression d’un homme irréductible, intransigeant, et ne connaissant pas la peur… » [le chânoine Józef Zator-Przytocki, colonel et doyen de l’Armée de l’Intérieur de la région de Cracovie]

Zofia Mycielska (1895–1971)

Zofia Mycielska
Fig. 5. Zofia Mycielska

Zofia Mycielska (1895–1971), éduquée dans une pension de Dames anglaises à Bruges en Belgique, elle s’engagea avec sa mère dans des oeuvres de charité et s’occupa de familles de paysans appelés dans l’armée prussienne pendant la Ie Guerre mondiale. Le 25 septembre 1918, elle épousa le capitaine de cavalerie Stanisław Rostworowski, militaire de carrière, qui jusqu’à sa retraite en 1935 passa le plus gros de son temps dans des batailles sur le front, puis, fréquemment, dans des unités de cavalerie éloignées dans lesquelles il servait. En dépit de ses nombreux devoirs, Zofia trouvait du temps pour les activités sociales. Elle dirigea un cercle de villageoises à Gębice, une confrérie de paysannes à Pępów et était engagée dans l’action catholique

« Je fais le signe de croix sur ton front. Nous nous sommes tant de fois dit adieux lors de mes départs sur le front, et Dieu nous a préservés. » [note de Stanisław Rostworowski écrite à sa femme absente de la maison, le 24 août 1939, avant de quitter le palais de Gębice en raison de la mobilisation]

En décembre 1939, Zofia Rostworowska fut expropriée et déplacée vers Tarnów, dans la province du Gouvernement Général. Elle trouva un abri dans les domaines des propriétaires terriens des alentours, principalement à Sancygniów dans le district de Miechów, au manoir de Stanisława et Andrzej Deskur.

Dans une lettre, elle écrivit sur l’expropriation : « Quelle impression étrange d’être dépouillé de tout, on se sent comme un fantôme, avec des habitudes d’homme malheureusement. » [extrait d’une lettre de Zofia à son mari provenant du camp de déplacés organisé dans le monastère du Mont Sacré à Gostyń, en décembre 1939]

« Tant que nous étions au milieu de cet enfer, tant que nous nous occupions des travaux de déminage, tant que le bombardement durait, et il dura un moment, puisqu’il se prolongea jusqu’à six heures du soir, tout allait son train. Mais ensuite, l’obscurité tomba […] Nous sommes sortis de l’état-major en direction du port sur la Vistule. Varsovie, notre Varsovie bien aimée flambait comme une torche. […] Les gens rassemblés dans le quartier de Praga regardaient en silence les flammes qui détruisaient notre fierté, nos souvenirs nationaux, nos oeuvres d’art, le patrimoine et le travail de générations de Polonais. » [note de S. Rostworowski du 22.09.1939]

« Je me souviens de ce dimanche du 16 juin 1942, lorsque soudain dans le combiné j’entendis la voix de mon mari. Et donc, il était de retour. Je reconnus tout de suite sa voix. Mon coeur trembla […] Il était rentré au pays dans le but de remporter la victoire ou de disparaître. Ensuite, j’appris qu’il avait passé la frontière hongroise sans guide, pour apporter des ordres secrets […] Je me souviens aussi de ces quelques moments passés avec lui. Le premier à Szymanów, près de Varsovie, où notre fille préparait son baccalauréat. […] » [Zofia Rostworowska]

« L’été 1943, le général Rostworowski, pseudonyme « Odra » vint à Sosnowiec pour inspecter la région au nom du Commandemant Général. […] Il montra son courage et son attachement à la Silésie en effectuant ce voyage. […] Il fit la connaissance de l’état-major de la région. Mais cela ne lui suffit point. […] Dans la nuit, il entretint une discussion avec l’inspecteur et les officiers de l’état-major de l’inspection. […] Il n’imposait pas son point de vue. Il écoutait, essayait parfois de convaincre. Il n’abusait pas de sa position. » [Zygmunt Walter-Janke].

« D’autres officiers supérieurs étaient entourés d’une « escorte », bénéficiaient d’appartements confortables. Rostworowski, lui, habitait dans des petites pièces non chauffées, et pour ne pas peser de sa modeste pension sur les fonds de l’AK, travaillait dans les jardins de la municipalité sous un nom d’emprunt, évidemment. Il renonça à voir sa famille pour des raisons de sécurité. […] Il était épuisé et il devait se sentir vraiment seul. […] Il ne payait pas de mine : un petit homme chauve, habillé misérablement… » [Jan Dobraczyński, « Le jeu de la balle au prisonnier », Gra w wybijanego]

[…] Le 11 août à six heures du matin, le général Stanisław Rostworowski fut surpris par la gestapo dans son repaire clandestin situé 8 rue Święty Marek. […] [Ce n’est qu’une dizaine de jours plus tard que le département de contre-espionnage de l’Armée de l’Intérieur de la région de Cracovie obtint les informations suivantes :] Pendant l’enquête, il regardait ses interrogateurs comme du vent. Il ne répondait pas, mais priait […] Pour le faire parler, le commandant (Sturmbannführer) Hamann le frappa au visage […] À ce moment là, l’interrogé commença à battre le visage de Hamann qui se couvrit de sang, ensuite, il attrapa une chaise et s’en servit pour frapper l’autre membre de la gestapo. Les deux Allemands s’écartèrent dans un coin, mais Koerner arriva derrière le prisonnier et le frappa avec son gourdin en fer. Celui-ci tomba. Dès lors, ils le massacrèrent jusqu’à la mort. Ils ne parvinrent néanmoins à tirer de lui aucun mot, ils ne purent savoir qui il était vraiment. » [colonel Kazimierz Pluta Czachowski]

Jan Zamoyski (1912–2002)

Propriétaire du majorat de Zamoyski, fils de Maurycy Klemens Zamoyski et de Maria Róża, née Sapiecha, économiste de formation, il étudia à l’Institut du Commerce et de l’Économie à Nancy et à l’École des hautes études commerciales à Varsovie. Pendant la IIe Guerre mondiale, il prit part à la campagne de septembre, fut officier de l’Union pour la lutte armée — Armée de l’Intérieur (ZWZ-AK) et assura le commandement de l’action « Culture » pour la région de Lublin.

En novembre 1942, les Allemands entamèrent leur action d’expropriation-colonisation dans la région de Zamość. Ces événements font partie des épreuves particulièrement traumatiques pour la population polonaise pendant l’occupation allemande de ces terres. « Les enfants de la région de Zamość » qui comme les adultes de la région se sont trouvés dans l’engrenage de cette machine implaccable des expropriations constituent un symbole de cette période. Pendant la pacification du district de Zamość, Jan Zamoyski et sa femme Róża sauvèrent du camp allemand de Zwierzyniec 460 enfants de 7–8 ans arrachés à leurs mères. Il créèrent aussi 4 hôpitaux pour 1500 enfants malades pour lesquels Zamoyski intervint auprès du commandant des SS du district de Lublin Odilo Globocnik.

Par ailleurs, Zamoyski défendit corps et âmes l’héritage national. Ainsi, pendant la IIe Guerre mondiale, il prit part à une action dangereuse dans le but de sauver les collections du trésor de la collégiale de Zamość. Il les cacha à Zwierzyniec, pour qu’elles puissent ensuite rejoindre leur lieu d’origine.

Après l’incursion des soviétiques en Pologne, on déclara le propriétaire du majorat ennemi de la réforme agraire, suite à quoi il perdit tous ses biens et atterit en prison. En 1950, il fut condamné à 25 ans de privation des libertés. Il passa 8 ans au cachot, mais ne se laissa jamais abattre, malgré l’usage de la torture contre lui. Il travailla ensuite pendant 20 ans pour les lignes aériennes Swissair.

En 1990, Jan Tomasz Zamoyski participa à la cérémonie du 350e anniversaire de la ville de Janów Lubelski. Les cérémonies comprenaient l’ouverture d’une exposition qui fut inaugurée par le propriétaire du majorat. Il reçut à cette occasion le titre de Citoyen d’honneur de la ville de Janów Lubelski.

La même année, Zamoyski dirigeait le Mouvement démocratique national. Un an plus tard, il fut sénateur du IIe mandat pour la voïvodie de Zamość et remplit la fonction de président senior lors de la première séance. Il fit partie du club parlementaire de l’Union chrétienne nationale (ZChN). Il tenta d’être réelu sans succès au nom du Bloc des sans-partis pour la coopération avec le gouvernement (BBWR). En 1995, le président Lech Wałęsa honora le comte de la décoration la plus éminente de l’ordre de « l’aigle blanc » (Orła Białego), et en 1996, le conseil municipal de Zamość attribua au 16e titulaire du majorat de Zamość le titre de Citoyen d’honneur de la ville. Il décéda le 29 juin 2002.

Interrogé sur les raisons qui l’on poussé à rester en Pologne en dépit des possibilités de quitter le pays, condamnant sa famille à l’errance et à l’humiliation, Jan Zamoyski déclara simplement : « Je suis parti du principe que ma place était en Pologne, quelle qu’elle soit. »

Zofia Mycielska
Fig. 6. Róża z Żółtowskich et Jan Zamoyski

Róża Zamoyska, née Żółtowska (1913–1976)

Fille de Andrzej et Wanda, descendante des Princes Czetwertyński, elle fut élève du Collège des Ursulines à Poznań et de l’École d’économie rurale à Chyliczki. Elle suivit aussi des cours sanitaires au sein de la Croix-Rouge polonaise et reçut une formation pratique à l’hôpital militaire de Ujazdów à Varsovie. En 1938, elle épousa Jan Zamoyski et vécut à Zwierzyniec, dans le district de Lublin.

Dès les débuts de la IIe Guerre mondiale, elle organisa de l’aide pour la population de Pologne occidentale qui fuyait devant les Allemands en mettant à sa disposition la villa de Zwierzyniec. Après le retour de son mari qui combattit pendant la campagne de septembre, ils s’engagèrent tous les deux dans l’aide sociale. Róża créa le Comité d’assistance pour les victimes de la guerre qui aidait les expropriés des terres polonaises annexées au IIIe Reich.

Lorsqu’en juin 1943, les Allemands créèrent à Zwierzyniec un camp pour les populations déplacées de la région de Zamość, les époux organisèrent une aide alimentaire pour les personnes qui y séjournèrent. Róża apportait elle-même quotidiennement des provisions dans le camp, prenant souvent le risque de subir des traitements brutaux de la part des gardiens. Pour la seule année 1943, on approvisionna le camp avec 6200 litres de lait, 12500 kg de pain et 95000 litres de soupe.

Dans ce camp surpeuplé et privé des conditions d’hygiène élémentaire, les maladies infectieuses se développaient, d’où un taux de mortalité élèvé, surtout chez les enfants. Les Zamoyski démarchèrent alors pour obtenir l’autorisation du gouverneur du district de Lublin Odilo Globocnik d’ouvrir une garderie et un hôpital pour les enfants. Róża consacra toutes ses forces pour soigner les petits. Elle parvint à sauver plus de 480 enfants qui avaient jusqu’à dix ans, mais c’est plus de 1500 enfants qui purent être pris en charge dans les quatre hôpitaux.

Elle veillait à ce que les prisonniers transportés du camp de Zwierzyniec vers les camps de concentration aient de la nourriture pour la route. Elle s’efforçait de sauver de la déportation, surtout les mères avec leurs petits enfants. Sa bonté et sa sincérité pour les plus vulnérables firent que la population lui attribua le surnom d’« Ange de bonté ». Elle menait de front son engagement social et ses devoirs de maîtresse de maison et de mère de deux filles.

Après la fin de la guerre, les Zamoyski furent contraints de quitter Zwierzyniec. La période d’errance commença. Sous la décicion des autorités communistes, le majorat des Zamoyski fut liquidé et les terres parcellisées. En octobre 1949, Jan Zamoyski fut arrêté, considéré comme « ennemi de la population et du régime de l’état socialiste » et condamné à 25 ans de prison. Après l’arrestation de son mari, Róża et ses enfants furent forcés de quitter leur appartement de Sopot. Elle n’avait pas non plus le droit d’habiter à Varsovie, où elle avait de la famille et des amis. Après de longues démarches, elle put louer une maison à Klaryszewo, où elle habita avec ses enfants, sa mère et un « ange gardien » alloué par les autorités. Pour subvenir aux besoins de la famille, elle travailla comme infirmière et s’occupa d’un petit kiosque à légumes avec sa mère. Zamoyski fut libéré de prison en 1956.

« Dans le cortège de prisonniers, Róża Zamoyska aperçut une femme en détresse. Elle portait deux petits enfants dans les bras, le troisième piétinait maladroitement à côté d’eux. L’épouse du propriétaire du majorat se retourna vers le gardien allemand pour lui demander de libérer cette femme. L’Allemand poussa Zamoyska, et lorsqu’elle tomba, il la frappa avec la crosse de sa carabine. Elle se releva et réitéra sa demande en s’adressant à l’autre Allemand. Celui-ci, à ma grande surprise, libéra la femme avec les trois enfants. » [C. Służewski, Le camp hitlérien transitoire de Zwierzyniec », Hitlerowski Obóz Przejściowy w Zwierzyńcu, 1993]

Franciszek Unrug (1887–1945), pseudodnyme « Dąb »

Franciszek Unrug
Fig. 7. Franciszek Unrug

Fils d’Antoni et d’Amélie, née von Hachez, naquit dans le domaine familial à Oschatz (Saxe). Il séjourna ensuite dans les propriétés de Piotrowo, près de Poznań.

Pendant ses années de collège, il fit partie de l’Association secrète de Tomasz Zan. Lors de l’insurrection de Poznań, il co-organisa la « Garde citoyenne » à Poznań. En 1924, il administra le domaine de sa femme Zofia (née Dembska, Rembowska de son premier mariage) à Wyszakowo (district de Środa Wielkopolska). Il s’engagea socialement en tant que parrain de l’Association des salles de lecture populaires et co-organisa des concours agricoles au sein de l’Association des cercles agricoles. En raison de son état de santé, il ne servit pas dans l’armée.

Dès le déclenchement de la IIe Guerre mondiale, il se mit à la disposition de Cyryl Ratajski, chargé de l’organisation des autorités provisoires de Poznań et de la voïvodie de Grande Pologne. Après l’intrusion des Allemands, il participa à la mise en place du mouvement de résistance. À l’automne 1939, sur l’ordre de Ratajski et d’Adolphe Bniński, il demanda à être inscrit sur la liste des personnes de nationalité allemande, ce qui devait faciliter la réalisation des missions de conspiration contre l’ennemi. Il prit part à la protection des objets de valeur déposées par les propriétaires de Grande Pologne au bénéfice de la résistance. Il co-organisa et finança la mission de camouflage de livres polonais et finança l’édition de la presse clandestine.

Après la mise en place de la Délégation générale du gouvernement pour les terres annexées au Reich, le délégué Bniński lui confia l’ensemble des affaires liées à la lutte civile. En même temps, il prit la fonction de chef de la mission « Culture » à l’État-major du commandement de l’Union pour la lutte armée (ZWZ) de la région de Poznań. Il participa à l’achat d’armes aux soldats allemands. Il dissimula dans son domaine un appareil radio qui lui permit d’effectuer des écoutes de la radio étrangère.

Il participa à la préparation d’abris pour les prisonniers de guerre anglais fugitifs dans le bois longeant le domaine d’Obreda. Il apporta aussi de l’aide aux résistants qui se cachaient. Après sa première arrestation par la gestapo en avril 1942, on ne réussit pas à prouver qu’il travaillait pour la résistance polonaise et il fut relâché grâce à l’intervention de la famille allemande de Unrug. Il fut toutefois chassé du domaine qui fut dès lors administré par un Allemand. À l’automne 1943, Unrug reçut la fonction de garde forestier du domaine Gifhorn en Saxe.

Arrêté une seconde fois le 5.07.2012 suite à une dénonciation au sein de l’Inspection du district de Środa de l’Armée de l’Intérieur, il subit un interrogatoire bestial au siège de la gestapo de Poznań. Il ne délivra aucun secret sur l’organisation. Envoyé au camp de concentration de Stutthof en décembre 1944, il décéda d’épuisement pendant l’évacuation du camp le 19.01.1945.

 « Unrug vient d’une famille aristocratique allemande. Cependant, c’était un patriote polonais fervent. En 1940, nous fîmes connaissance par hasard dans la rue à Poznań. J’appris alors qu’il faisait partie de la résistance […] Après un certain temps, le contact noué avec Unrug conduit à une entrevue dans l’appartement de la rue Kordecki. C’était encore à ce moment l’appartement du colonel Małachowski. […] On se mettait d’accord sur les questions d’organisation et l’une des priorités était de convaincre Unrug d’accepter de s’incrire sur la liste d’appartenance à la nation allemande (volksliste). En ma présence, Bniński [Adolf] obligea formellement Unrug à renoncer à la nationalité polonaise, pour le bien de la résistance. Je me rappelle alors comment Unrug, rejetant cette idée, au cours d’une discussion houleuse déclara : les Polonais vont maintenant me cracher à la figure! » [Michał Kwaliaszwili, « Résistant en Grande Pologne, W Konspiracji wielkopolskiej]

« Probablement dans la deuxième moitié de l’année 1941, Unrug vint chez moi à la rue Kordecki, me proposant de me rendre à Varsovie dans le but d’y transporter de l’or et d’autres objets de valeur. Il s’avère que les propriétaires terriens de Poznań déplacés dans la province du Gouvernement Général étaient parvenu à l’informer des lieux où ils avaient caché leurs objets de valeur. Vu la situation matérielle critique dans la province du Gouvernement Général, il tenait à récupérer l’or et les objets de valeur camouflés et à les transporter à Varsovie […] Je transmis les objets de valeur contre accusé de réception aux personnes désignées, entre autres à Zenkteler l’ancien staroste du district de Leszno. » [Michał Kwaliaszwili, « Résistant en Grande Pologne », W Konspiracji wielkopolskiej]

« L’été [1943], je me rendis chez Franciszek Unrug dans sa maison forestière. Unrug m’informa qu’il avait de nombreux contacts avec les officiers allemands et qu’il leur rachetait des armes. Il m’avoua aussi que le plus gros fournisseur d’armes était le commandant de l’aéroport de Mączniki, avec lequel il jouait régulièrement aux cartes. […] Unrug organisa un transfert d’armes achetées aux pilotes allemands à Mączniki et à Śnieciska en provenance du Wartheland (région de Grande Pologne, incorporée au IIIe Reich) vers le Gouvernement Général par le biais d’un transport de la Luftwaffe. […] Les armes étaient chargées dans des tonneaux préparés spécialement à cet effet et étaient transportées par une voiture de l’armée jusqu’à Głowno. […] Là-bas, les tonneaux étaient accueillis par des gens de l’arrondissement local de l’Armée de l’Intérieur, qui effectuaient le transfert par la frontière.» [Michał Kwaliaszwili, « Résistant en Grande Pologne », W Konspiracji wielkopolskiej]