Fond historique
Pendant les années 1939–1945 de la IIe Guerre mondiale, les propriétaires terriens dont les domaines se trouvaient dans la province du Gouvernement Général bénéficiaient d’une situation relativement enviable. Ceux dont les domaines se situaient sur les territoires occidentaux de la IIe République subirent des traitements brutaux et les plus actifs d’entres eux furent arrêtés et massacrés lors d’exécutions ou emprisonnés dans des camps de concentration. Le reste des propriétaires fut déplacé de force vers le Gouvernement Général. On trouvait dans cette zone, des propriétaires terriens venant de la région de Poznań, de Poméranie ainsi que des réfugiés des confins orientaux occupés par les soviétiques. Pour des raisons économiques, la liquidation de la noblesse terrienne en tant que groupe social pouvant jouer un rôle de leader dans la résistance nationale fut reportée à la période d’après-guerre par l’occupant.
Comme elle l’avait déjà fait au XIXes, la noblesse polonaise dut une nouvelle fois prendre sur elle de nombreuses responsabilités. Elle reçut dans ses domaines les familles de propriétaires terriens expropriées, les résistants « menacés », assista l’armée clandestine et soutint l’enseignement souterrain.
« Lorsque les Allemands s’emparèrent du gouvernement de la région de Poznań, les organes et la police du parti commençèrent à organiser la terreur. À la mi-octobre, dans presque chaque district, ils arrêtèrent une cinquantaine de notables: des prêtres, des propriétaires terriens, des négociants, des militants sociaux etc. La détention était de courte durée, après quelques jours, on voyait arriver ce que l’on appelait un commando du massacre, un procès illusoire était organisé, donnait lieu aux accusations absurdes de « délit contre l’état allemand » et se terminait par la condamnation à mort par exécution. Mon oncle [Edward Potworowski] fut arrêté le 19 octobre, son exécution eut lieu en même temps que celle de trente autres « otages » sur la place de Gostyń, le 21 octobre en présence d’une foule de Polonais rassemblés là pour l’occasion […]». [Dezydery Chłapowski, « La famille Potworowski. Chronique familiale », Potworowscy. Kronika rodzinna, 2002].
« […] On entama l’expropriation des Polonais des environs de Poznań jusqu’au centre de la Pologne, on transporta environ un millier de personnes de chaque district, principalement des intellectuels et des propriétaires ; on laissa en paix uniquement les ouvriers, quant aux exploitants agricoles, petits commerçants ou artisans, tous furent privés de leurs biens et on fit d’eux des ouvriers. […] Les conditions du transport étaient pénibles, celui-ci durait plusieurs jours et une partie du voyage avait lieu dans des wagons de marchandises. De nombreux proches et amis subirent ces cruautés, et nombre d’entre eux, surtout les plus âgés moururent peu de temps après. » [Dezydery Chłapowski, « La famille Potworowski. Chronique familiale » Potworowscy. Kronika rodzinna, 2002]
Le domaine des personnes expropriées était confisqué au bénéfice du Reich sur la base d’une circulaire de Himmler datée du 10 novembre 1939. La plus grande partie des propriétés terriennes (environ 3600 exploitations) fut saisie par les institutions du IIIe Reich prévues à cet effet.
Les expropriés pouvaient prendre avec eux uniquement un bagage à main, composé de vêtements chauds, d’une couverture ou d’une couette, de la vaisselle pour boire et manger, de la nourriture pour quelques jours et leurs papiers. Le poids limite des bagages s’élevait à 12,5 kg par personne, et pour les enfants la moitié. Le reste des vêtements, sous-vêtements ainsi que les outils nécessaires pour effectuer leur métier devaient rester. On n’avait le droit d’emmener avec soi ni bijouterie (mis à part l’alliance de mariage), ni oeuvres d’art, ni devises ou autres objets de valeur.
Roman Mycielski à propos de son expropriation du domaine de Września-Opieszyn en 1939: « Le 1er décembre à 1 heure du matin, on commença à forcer violemment la porte. Quelqu’un atterit dans notre chambre en criant : « on s’habille! » […]. Devant la porte du palais, dans la neige épaisse, éclairée par la lumière bleutée de la lune, des Allemands s’agitaient, frappant avec la crosse de leur carabine dans les portes, en hurlant des choses que je ne comprenais évidemment pas […]. Finalement, un domestique ouvrit et le palais s’emplit d’Allemands qui s’égosillaient en agitant leurs carabines et courant de tous côtés. Dans ce vacarme, on pouvait deviner les ordres : il fallait dans la demi-heure quitter le palais, en emportant seulement les choses que l’on était capable de porter, il était interdit d’emporter de l’argent ou autre objet de valeur […]. Au bout d’une demi-heure, grand-mère, maman, Izabela [Mycielska, la soeur de l’auteur des mémoires] et moi attendions dans la neige devant le palais. On portait pas mal de choses, moi, j’avais mon cartable d’école rempli sur le dos, je tenais dans une main un oreiller enroulé en couverture, dans l’autre, mon gros nounours bien-aimé, attrapé au dernier moment. Malheureusement, nous n’avions rien pris à manger […]. Du palais, les Allemands nous conduisirent tous les quatre à travers le parc et les champs, pataugeant péniblement dans la neige, la nuit était très froide. » [Roman Mycielski, « L’année 1939 en Grande Pologne. Chap. 3. Expropriation », Rok 1939 w Wielkopolsce. Cz. 3. Wysiedlenie, 2006]